Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]



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 Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]

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MessageSujet: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeSam 2 Mar - 11:02

4h20 – Le Croquant

La nuit avait été compliquée, comme c’était souvent le cas. Je prenais ma pause avec Ben et là, j’avais juste envie de me vider la tête. J’attrapais le pétard qu’il me tendait, tirant une longue taffe avant de me laisser aller contre le dossier du canapé. Ma tête était lourde, je déconnectais déjà de la réalité. Quand j’ouvrais les yeux, il était toujours à côté de moi, me regardant en souriant. La poudre était prête, on allait pouvoir s’amuser.

- Tu vas voir, ça va être géant…


16h – Appartements des Andrews

- Lola t’as vu ta tronche ?

Et voilà, à peine levée, j’avais déjà droit aux remarques de ma frangine. J’y répondais pas, passant devant elle sans la regarder mais je sentais bien son regard insistant qui me détaillait de la tête aux pieds.

- Non mais je suis sérieuse, t’as une tête de déterrée !
- Tara.. j’t’en prie..

J’avais pas encore bu mon café, c’était pour ça. Ca irait mieux une fois avalé. Je m’empressais d’aller allumer la machine expresso, attrapant une tasse pour me faire couler un café bien serré qui me remettrait les idées en place. Parce que oui.. mes idées n’étaient pas très claires pour l’heure. Mes souvenirs étaient flous, j’avais même carrément un trou dans mon emploi du temps mais ça, j’allais pas le dire à Tara. Je n’étais pas assez stupide pour me créer moi-même des ennuis avec elle car je la connaissais, elle allait pas me lâcher tant qu’elle ne saurait pas le fin mot de l’histoire. Tara était tellement trop…trop quoi ! Elle ne comprenait pas que je puisse avoir besoin de me défoncer, de me laisser aller à frôler les limites de l’interdit. Elle n’avait jamais compris mon besoin de revivre toujours cette expérience qui avait marqué ma vie. Et j’allais pas lui dire non plus que je me laissais mordre par un vampire un peu barge qui me donnait ma dose de frisson justement. Elle n’avait pas vu d’un très bel œil que je change de job pour le casino. Mathias était connu pour ses excès mais j’avais volontairement caché la vérité, prétextant que c’était par une connaissance que j’avais été embauchée et que je n’avais jamais vraiment rencontré le boss. Mes collègues étaient pourtant loin d’être des anges et Kate était assez autoritaire dans son genre mais j’allais pas m’en plaindre.

Mon café coulé, j’allais pouvoir enfin en profiter mais c’était sans compter sur Tara qui s’était levé pour avoir des explications que je n’avais pas envie de donner. M’attrapant par les épaules, elle me retourna brusquement vers elle, me faisant renverser ainsi mon café.


- Tara ! Mais regarde ce que tu fais là..
- Lola arrête ton char tu veux ! Tu me la fais pas à moi !

D’une main autoritaire, elle attrapa mon bras pour y chercher des marques de piqures. Puis l’autre. Me relevant le visage, elle scruta mes yeux, tirant sur mes paupières pour y trouver une trace dans le blanc de mes yeux. Je me laissais faire sans broncher. J’avais l’habitude de ce genre d’inspection et surtout je savais combien c’était impossible de s’y soustraire.

- T’étais défoncée hier soir hein ?!

Je ne répondis pas, fuyant son regard, tentant même de m’échapper mais son emprise se raffermit sur moi. Elle tenta de m’imprimer ses paroles en me secouant légèrement par les épaules.

- Lola c’est grave tu t’en rends compte ? T’as encore maigri, tu tiens à peine sur tes jambes ! Et je sais que tu t’envoies en l’air avec le premier venu… mais tu réalises que la ville grouille de vampires ? Tu réalises que tu peux y laisser ta peau à chaque instant ? T’es complètement inconsciente !!!

Je préférais pas répondre, je savais combien ça servait à rien en fait. Et ce fut sans surprise que la suite tomba, comme à chaque fois qu’elle se penchait un peu trop sur mon cas.


- On va aller voir le doc McKennitt. T’as besoin de faire un check up là. Je peux pas te laisser dans cet état.


17h45 – Hôpital de Seattle

J’avais pas eu vraiment le choix. Vivre aux côtés de Tara, c’était comme ça, on subissait. Elle commandait. Pourtant elle n’était pas ma mère mais se comportait comme telle et ça me pesait à un point qu’elle ne soupçonnait pas. J’étais pourtant majeure et en droit de mener ma vie comme je l’entendais, mais visiblement ce n’était pas son avis.

La secrétaire m’appela et je me levais. Tara m’emboita le pas. Comment lui dire que j’avais pas besoin d’elle pour voir le doc ? C’était impossible. Heureusement que je l’aimais bien mon doc, il avait toujours été là pour moi. Il était interne à l’époque et avait suivi l’équipe qui nous avait opérées. Depuis, il s’était toujours occupé de nous. Je lui faisais confiance. Mais j’ignorais totalement ce que j’allais bien pouvoir lui raconter aujourd’hui.

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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeLun 4 Mar - 18:17

La fin de journée approchait. Et avec elle se terminait une longue suite de pépins qui s’enfilaient les uns après les autres avec une régularité consternante. Vaillant, je m’étais efforcé de les régler les uns après les autres. Avec succès, fort heureusement. Cela faisait quelques jours depuis qu’à l’hôpital on ne parlait dans les couloirs que de l’affaire qui m’opposait à Brown, ainsi que de la commission disciplinaire qui devait avoir lieu, sous peu. Je ne crois pas qu’il s’attendait à ce que je fasse valoir mes droits comme toubib dans l’établissement. Peut-être parce qu’il était plus vieux que moi de vingt bonnes années. A son âge, il était peut-être temps de songer à la retraite … Non ? Il était en train de se forger une réputation sulfureuse. Soupçons d’alcoolisation, retards à plusieurs reprises, et maintenant cette histoire de négation d’un rapport rédigé par mes soins interdisant formellement une opération sur Monsieur Cliff, patient sexagénaire trop fragile pour subir une intervention aussi grave que celle qu’il s’était pourtant empressé d’appliquer. Des traitements plus légers et moins douloureux auraient pu la remplacer. Mais non. Je n’étais qu’un foutu généraliste, n’est-ce pas ? Alors pourquoi tenir compte de mon avis, après tout ? Je n’avais toujours pas encaissé ce décès qui n’avait pas lieu d’être. Amusant, dans la bouche d’un homme qui signe des certificats au quotidien. Pourtant, il y avait ceux qui ne passaient pas. Ceux qui étaient nés de l’erreur professionnelle, et non pas des aléas de l’existence. Ceux qu’on ne pouvait pardonner, en somme. La veille, j’avais pris sur mon jour de repos pour participer aux obsèques et à l’enterrement, n’osant me tenir trop près de la veuve dont la souffrance intacte me tenaillait en permanence. Je ne me sentis soulagé que par la suite, lors du petit buffet réservé aux invités de ce triste évènement. S'étant approché de moi, elle avait pris mon bras et m’avait entretenu de longues minutes pour m’assurer que je n’avais pas à me sentir coupable de quoique ce soit. C’était certes réconfortant, mais ça ne balayait pas tout à fait la colère que je pouvais éprouver.
J’avais cru que reprendre le travail m’aiderait à mettre de côté ce bourdonnement né d’une conscience se posant trop de questions. Tout faux. Les patients défilaient, et pourtant je ne cessais de songer aux arguments que j’avais préparé en vue de cette foutue commission. Tout était prêt, rédigé dans un dossier complet. Le fichier médical, les circonstances de l’opération, le pourquoi du comment, mon opinion pré et post-opératoire, etc. Vers dix-sept heures quinze, je pris une pause-café et sortis de mon cabinet. Le flux s’était ralenti, c’était donc le moment d’en profiter. Je saluai d’un sourire Laureen et rejoignis le grand hall. Je préférais siroter tranquillement dehors, profitant des francs rayons illuminant Seattle. En revanche, pour la clope, je devrais me brosser : un vent violent, attaquant la bâtisse par rafales, soufflait de telle manière qu’il ne valait même pas la peine d’essayer de battre le briquet.
Mon gobelet chaud à la main, je sortis donc d’un pas paisible, m’adossant à l’une des colonnes en tâchant de m’abriter autant que possible. Assis en repoussant les pans de ma blouse, je vis s’approcher au bout de quelques instants Justin qui venait du parking, et qui par ailleurs prenait son service pour la demie. Une fois qu’il fut assez près, je lui fis un signe de main.


« Alors, what’s up… ? »
« Oh, ça va bien ! Toi par contre tu dois avoir les boules. »
« Tu vas pas t’y mettre, toi aussi… »

Il sourit en haussant les épaules.

« Ben quoi ? Je ne fais que constater. »
« Si le service entier pouvait cesser de constater, parfois … »
« Tu exagères… Tout le monde ne t’a pas fait la remarque, quand même ? »
« Non, mais je sais que ça cause, quoi. »
« Roh, tout de suite ! Je te rassure, ça m’étonnerait que les infirmiers passent la journée à causer de ta bagnole ! Bon, d’accord elle était belle mais bon… »
« Hein ?! »

Mes doigts se resserrèrent avec force sur le pauvre verre de plastique qui craquait déjà sous l’effort imposé. Justin eut le bon goût de le pointer de son index.

« Fais gaffe, tu vas renverser ce qu’il te reste sur … »
« Pourquoi tu parles de ma voiture ? »
« Bah… de quoi tu voulais que je parle ? »
« Mais de la commission, tiens ! »
« Oh, non ! Moi je parle du cul de ta bagnole qui s’est fait défoncer. C’est vraiment dommage. J’espère qu’on t’a laissé un mot parce qu’à ta place, moi… »

---

A dix-sept heures quarante-cinq, après avoir passé une blouse propre en raison d’une inondation intempestive de caféine, j’étais revenu à mon bureau, encore plus dépité qu’auparavant. Je comptais sur les caméras surveillant le parking de l’hosto pour voir QUI avait délibérément embouti ma carrosserie de façon aussi acharnée. Non, parce qu’à ce point ça relevait carrément du vandalisme assumé. C’est donc muni d’une humeur massacrante mais contenue que j’accueillis dans mon cabinet les sœurs Andrews. Je sortis et tombai sur les jumelles, sans grande difficulté pour comprendre qui venait pour quoi. Lola avait perdu du poids depuis la dernière fois que je l’avais vue. Chacune leur tour, je leur serrai la main fermement :

« Bonsoir à vous deux. Je vous en prie. »

J’attendis qu’elles soient entrées pour refermer la porte derrière nous.

« Asseyez-vous.»

Le passif de celle qui préoccuperait mon attention était à la fois inconsistant et chargé, dans la mesure où sa santé était à déplorer régulièrement. Sans être maladive, la jeune femme inquiétait par son teint plus pâle que la moyenne, sa silhouette frêle et son regard… son regard…Mes yeux experts de médecin décelèrent là une soirée arrosée. Voire même chargée de fluides bien plus graves que de l’alcool.

« Ca fait un moment que je ne vous avais plus revues, toutes les deux. J’y pensais justement, il n’y a pas si longtemps, c’est drôle.»

Mon visage se tourna cette fois vers Tara. J’étais totalement impressionné par l’acharnement qu’elle mettait à prendre soin de sa sœur, d’autant plus que toutes les deux étaient mineures, mais il était bien étrange de les voir en permanence collées l’une à l’autre dans mon bureau. L’intimité était parfois nécessaire, même entre des fratries aussi proches.

« Tu as l’air un peu fatiguée, Lola. A moins que tu ne sois sortie, hier ? »

Un sourire innocent. Je m’attendais à entendre Tara me conter en long et en large tout ce qui l’inquiétait pour la traîner jusqu’ici.

« Rien de grave, j’espère ? »
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeLun 4 Mar - 20:30

Revoir le doc McKennitt c’était un peu comme revoir un vieil ami d’enfance. Je me sentais bien dans son cabinet, même si ça sentait toujours le formol comme dans tout hôpital. Mais ça ne changeait pas dans son bureau, même avec les années. Il y avait toujours cette aquarelle sur le mur derrière lui qui représentait un paysage de montagne. J’adorai l’observer et m’y perdre. Les mêmes rideaux à bandes verticales, donc la quatrième et la sixième lames étaient tordues et ne se pliaient plus aux courbes de l’ensemble. Sur le meuble à coté il y avait toujours ce mobile balance qui représentait un enfant sur une balançoire. Quand j’étais petite, j’allais toujours le faire jouer. Aujourd’hui, je me contentais de le regarder avant d’aller m’assoir.

- Bonjour Docteur.
- Ca fait un moment que je ne vous avais plus revues, toutes les deux. J’y pensais justement, il n’y a pas si longtemps, c’est drôle.

Je me contentais de lui sourire. Je voyais bien qu’il m’observait bien plus que lors d’une simple visite de courtoisie et ma sœur n’allait pas tarder à déballer toutes ses inquiétudes à mon sujet. Je croisais pourtant son regard quand il m’interrogea et je n’eus pas la force de lui sourire à nouveau, de faire comme si tout allait bien.

- Tu as l’air un peu fatiguée, Lola. A moins que tu ne sois sortie, hier ?

Je baissais le nez, me sentant piquée au vif. J’avais toujours eu la sale impression qu’il pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert et ça me gênait énormément. Depuis quelques temps, il n’était plus question que de simples bobos ou encore de prescrire un contraceptif et j’angoissais rien qu’à l’idée qu’il puisse découvrir l’existence de Mathias et de tout ce que j’avais vécu avec lui.

- Rien de grave, j’espère ?
- Oh que si, justement !

* Pitié Tara, me fais pas passer pour la demeuré de service..*

Je m’enfonçais dans mon fauteuil avec l’envie d’y disparaitre. Si au moins il pouvait m’avaler, j’aurai pas à subir cet interrogatoire, parce qu’il allait y avoir un interrogatoire. Tara allait suffisamment en dire pour alarmer le doc, ce serait pas la première fois que ça arriverait.

Et c’était parti, Tara se lançait dans un flot d’explications me concernant. J’étais devenu un dossier à analyser, un tableau qu’on contemple et surtout quelqu’un de suffisamment peu stable pour qu’on lui demande son propre avis sur la question.


- … vous comprenez, depuis qu’elle a changé de boulot c’est encore pire ! Elle bosse pour un vampire maintenant et pas dans un endroit des plus honorables…

Je me recroquevillais dans mon fauteuil, me frottant la tête parce qu’elle me donnait déjà la migraine à trop parler. Sa voix était devenue un fluide continu, presque monotone que je ne percevais que de loin, préférant me perdre pour ma part dans la contemplation du tableau.

Ca me faisait penser que je n’avais pas eu la visite de Sarah depuis quelques temps, je pensais pourtant qu’elle n’était pas partie, elle ne m’avait jamais quitté depuis mon enfance, il n’y avait donc aucune raison qu’elle le fasse.


- … et je suis sure qu’elle se drogue toujours, même si elle vous a promis la dernière fois d’arrêter. Vous avez constaté comment elle a maigri ? Elle mange rien, c’est infernal pour lui faire avaler quelque chose de consistant.

Mais comment elle parlait de moi ! J’hallucinais ! Elle était pas ma mère quoi.. Je tournais la tête vers elle, incrédule. C’était fou comme dans un moment pareil, elle ne me ressemblait plus. Elle et moi, on avait plus rien en commun en fait.

- Tara.. je t’en prie..

Une supplique totalement inutile. Elle ne me calculait même plus, ne m’entendait plus. Elle n’était plus que la délatrice qui me vendait corps et âme. Elle s’affolait pour rien et j'espérais qu’il décide pas de m’hospitaliser devant ce constat alarmant que ma sœur dépeignait.

- Je vous avoue docteur que ça m’inquiète beaucoup tout ça… je sais plus quoi faire…

J’en pouvais plus et je me redressais dans mon siège, faisant face au doc que je fixais pour une fois.

- Elle… s’affole pour rien. Ca va. Je vous assure que ça va…

Etais-je assez persuasive ? J’en doutais toutefois, mes talents de comédienne n’avaient jamais brillé
.
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeMer 6 Mar - 1:43

Inutile de vous dire que j’étais inquiet. Le visage de la petite Lola semblait terni. Ses rares sourires, forcés. Son regard voilé, ses gestes ralentis. Quant à sa silhouette, un souffle de vent aurait pu la briser. Le spectacle était renforcé d’autant plus que sa jumelle offrait un contraste saisissant avec elle à ses côtés. L’on n’aurait pu les confondre. Et pour une fois, ce n’était pas un plaisir de le constater. Elle n’osait pas me fixer trop longtemps dans les yeux, et baissait rapidement la tête à mes questions, pourtant posées d’une voix aimable et chaude. Comme à l’accoutumée. Cela faisait plus de sept ans que je m’occupais d’elles. Je les avais vues traverser les épreuves et les étapes indissociables du passage à l’âge adulte. Je connaissais leurs métabolismes, la façon dont leur corps avait mué, s’était pourvu de jolies courbes qui devaient ravir leurs prétendants. La relation qui m'unissait à elle était donc particulière, pleine d'une certaine confiance.
Mais Tara déboula, avec son tact et sa douceur habituelles. Là aussi, on pouvait clairement lier les différences entre les deux sœurs. Aucun doute là-dessus. Si cette dernière m’amusait avec son tempérament de feu et sa langue qu’elle n’avait clairement pas dans sa poche, l’autre se surpassait dans sa façon de survoler une pièce, tel un fantôme laissant planer son ombre, à peine, sans oser vraiment. Mes pensées furent donc interrompues par une voix sans appel. Ah. C’était grave. Dans un soupir discret, je me tins prêt à écouter, évacuant pour ce faire mes propres soucis. Mes prunelles volaient de l’une à l’autre, presque sans jamais s’interrompre, cherchant à corroborer, à déceler le vrai du faux, à constater ou à confirmer. Lola semblait vouloir disparaître dans un trou de souris, et aurait pu de ce fait paraître amusante si l’inquiétude manifeste de sa frangine ne m’apparaissait pas comme préoccupante. Je notai tout, dans un coin de ma tête.
Changement de boulot.
Vampire… Ce mot me procura l’impression d’avoir reçu une décharge d’électrochocs. Lola. Je ne pus réprimer la déception dans ma façon de la considérer. L’incompréhension, surtout. Comment une gamine aussi calme, aussi paisible malgré ses accès décalés avait pu s’abandonner dans cette fange-là ? Ma haine contre ces créatures s’en retrouva brutalement accrue. Il fallait les éradiquer avant qu’elles ne soient parvenues à corrompre la dernière once de pureté encore existante. La menace grandissait, contaminait les êtres chers comme les parfaits inconnus, sans distinction. Telle une maladie contagieuse, telle la mort qui piochait au hasard pour récupérer ses brassées de victimes. Je me sentis soudainement un peu triste.


« Je vois … »

La drogue, telle avait été le problème majeur pour Lola. Comment ne pas m’en souvenir ? De toutes mes forces, j’avais tâché de l’aider à compenser son manque par des médicaments dont je contrôlais scrupuleusement la dose. Mon contrôle sur elle était optimal, et je la suivais quasiment au quotidien au fil des longues conversations que nous entretenions chaque semaine, de la prescription rigoureuse de ces cachets qui l’empêcheraient de sombrer définitivement dans un cercle vicieux duquel personne ne pourrait plus jamais la sortir. La voir rechuter signifierait la perte effective de tous ces efforts, et le coup serait alors difficile à encaisser. Mais c’était ça aussi, le combat d’un médecin. Surtout généraliste. C’est pourquoi j’avais choisi cette voie. Les chirurgiens ne s’attachent qu’à la pathologie spécifique qui les concerne, celle pour laquelle ils seront payés. Enlever un bout de chair, réparer deux connexions physiques… C’était précis, rigoureux, et cela ne laissait finalement que peu de place à la dimension humaine, du quotidien. C’était celle-ci que je gérais pour ma part. Inlassablement, m’attachant à tous les petits détails qui composaient la vie de mes patients, et qui, mis bout à bout, constituaient un puzzle dont toutes les pièces n’étaient pas forcément à leur place.

« Oui, Tara. J’ai vu. »

J’avais à la fois pitié pour Lola, qui avait à supporter un double sermon, tout en songeant en même temps qu’elle n’avait que ce qu’elle méritait, tout compte fait. Ses murmures suppliants eurent raison de ma compassion pour elle, tandis que sa sœur s’emballait, comme un chariot sur une pente raide, condamné à poursuivre sa course folle jusqu’à ce que le ravin l’emporte et le brise. Tant de colère contenue … et déversée dans ce cabinet. Une bonne chose. Une très bonne chose. Si je n’aurais jamais pu faire psychiatre, je n’étais pas fâché de la voir se décharger un peu de toute la responsabilité qui, visiblement, lui pesait à la longue. Il était temps pour moi de prendre la relève plus professionnellement. D’abord, il fallait isoler Lola, qui ne lâcherait rien tant que son chien de garde de sœur se tiendrait à ses trousses.

« Bien. On va en discuter, alors. »

Lentement, je me levai et me tournai vers Tara.

« Pendant que je fais un brin de causette avec ta sœur, peux-tu aller voir Laureen ? Nos fichiers ont été remis à jour, et nous avons perdu certaines informations. Si tu pouvais vérifier avec elle que vos dossiers soient bien complets, ça me ferait gagner du temps. Et si tu veux, je te verrai également en privé plus tard, hum ? »

De toute manière, je ne lui laissai pas le choix. Si je n’avais guère élevé le ton, doux comme à l’accoutumée, ma voix conservait cette nuance d’autorité, de force tranquille qui ne souffre pas d’être contestée. Contournant le bureau, ma main se pose, légère mais puissante sur l’épaule de Lola.

« Viens avec moi. »

M’écartant du centre de la pièce, je lui préférai aussitôt le coin réservé strictement à la consultation… et aux confidences. Et dieu sait qu’ici, nous en aurions besoin. Je rabattis le paravent et désignai la couchette habituelle, sur laquelle elle pourrait se jucher après avoir grimpé les deux marches métalliques.

« Allez, installe-toi. Je crois que tu as des choses à me dire, jeune fille. »

Croisant les bras contre mon torse, campé sur mes jambes, je lui fis face et la dévisageai longuement. Sans sévérité, sans dureté.

« Lola. Est-ce vrai ce que dit ta sœur ? Que tu travailles chez un … un vampire ? Que tu as replongé ? »
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeMer 6 Mar - 11:01

Que je n’aimais pas me retrouver dans cette situation. Je n’allais pas pouvoir m’en sortir indemne. Et quand je parlais d’indemne, c’était pas pour dire avec des bobos mais au contraire, avec tout ce qui était nécessaire pour les soigner. Je voyais bien le regard que le doc m’accordait, même si pour l’heure, il écoutait plutôt ma sœur, je voyais bien l’inquiétude dans ses yeux et surtout ce petit froncement de sourcils qui en disait long. Et j’avais bien vu cette lueur étrange dans son regard quand ma sœur avait lâché le mot de « vampire ».

Je me terrais sur mon siège, n’osant plus rien dire. J’attendais la sentence comme un condamné à mort. De toute façon, quoique je dise, ça ne servait à rien, ma sœur riposterait toujours pour m’acculer d’avantage dans cette position inconfortable.

Elle ne comprenait pas ma vie, ne comprenait pas mes besoins. Elle n’avait jamais rien saisi de l’expérience que j’avais vécue, cette mort imminente qui avait marqué ma vie. Je massais délicatement ma main insensible. C’était un signe habituel chez moi, un signe de nervosité. Je me demandais souvent comment c’était pour elle, pour sa main super sensible. Comment elle gérait ça, comment elle le vivait. C’était vrai qu’on abordait jamais ce sujet entre nous, c’était comme tabou depuis toujours. C’était notre seule différence en fait. Et puis, il y avait Sarah avec moi depuis, même si pour l’heure elle ne parlait pas. Tara ne m’avait jamais parlé d’une expérience similaire pour elle, j’imaginais donc être la seule à vivre cela. Elle ne semblait pas non plus le comprendre vraiment, me croyant peut être un peu folle. Elle ne comprenait pas non plus que j’avais ce besoin vital de frôler la mort au quotidien. C’était contradictoire mais pourtant c’était la réalité et personne ne comprenait en fait. Sauf peut-être Mathias ? Avait-il saisi les nuances de mes gestes ce soir-là au lac ? En tout cas, il entendait Sarah, ça c’était une certitude.


« Bien. On va en discuter, alors. »


Ses paroles me tirèrent de mes rêveries et je relevais la tête. Ma sœur affichait un sourire de vainqueur mais déchanta aussitôt quand le doc l’invita à aller voir sa secrétaire pour une question de paperasse à régler. Elle ne pensait surement pas être évincée de la consultation, mais n’osa pas contredire le doc.


- Heu… bien Docteur mais…Mais je suis à coté, si besoin… n’hésitez pas !

Elle se leva et m’adressa un regard lourd de sous-entendus. On n’était pas venues ici pour rien, il valait mieux pour moi que je coopère. Oui, j’avais bien saisi le message va ! Elle sortit et le doc m’invita à gagner la table d’auscultation.

Je me levais et le suivis d’un pas résigné. C’était pas mon genre de me rebeller même si je détestais la situation qui était en train de se dérouler. J’avais beau me retourner le cerveau dans tous les sens, je ne voyais pas comment y échapper et surtout comment me dérober de ses questions qui allaient être directes. Je le connaissais suffisamment pour savoir qu’il ne tournait jamais autour du pot.

Je m’installais sur la table, restant assise sur le bord pour l’instant et je relevais les yeux sur lui qui se tenait devant moi, m’interrogeant sans attendre.


« Lola. Est-ce vrai ce que dit ta sœur ? Que tu travailles chez un … un vampire ? Que tu as replongé ? »

Je baissais les yeux aussitôt. Pur réflexe de ma part. Mes doigts accrochés sur le rebord de la table, je triturais sans m’en rendre compte le papier qui était posé dessus.


- Un vampire ou un humain, ça change quoi ? Je vois jamais mon boss alors et je gagne mieux ma vie.

C’était vrai. Je gagnais bien mieux ma vie que dans le bar miteux où j’étais avant, dans ce bar où je passais souvent pour une pute d’ailleurs. Les humains n’étaient pas moins pervers dans le fond. Je relevais les yeux sur lui, le fixant avec insistance pour une fois. C’était le moment ou jamais de montrer persuasive.

- J’ai pas replongé. J’ai juste fumé un peu d’herbe, c’est arrivé oui.. Une fois j’ai.. de la coke, mais jamais d’héro, ça non…

J’avais beau réfléchir, je pensais pas tromper le doc en disant ça. J’avais pas retouché à l’héroïne depuis que j’avais gouté au sang de vampire. Mais ça, je pouvais pas lui dire.

Affronter son regard devenait trop difficile. J’avais peur de rougir ou d’avoir un réflexe qui me trahirait, alors je m’allongeais sur la table, fixant le plafond. De toute façon, il allait m’ausculter alors. Je repensais à Mathias et à notre dernière entrevue musclée. J’espérais que les bleus qu’il m’avait laissé avait disparu. Je n’avais pas vraiment vérifié, ce n’était pas le genre de chose qui me préoccupait à vrai dire. Et les traces de morsures ? Même si ça cicatrisait vite grâce à leur langue, ça laissait tout de même une marque rougeâtre pendant quelques temps.

Je me mordis la lèvre nerveusement. Il fallait que je lui dise un truc, n’importe quoi, pour retarder l’échéance de l’auscultation. Je fermais les yeux, cherchant une idée, n’importe laquelle, même la plus stupide. J’imaginais alors le séduire et le faire succomber à mes charmes. Me prostituer, ça je savais faire, même si c’était pas pour de l’argent au final.

Quand je rouvris les yeux, son visage m’apparut au-dessus de moi. Je crois qu’il m’avait parlé mais j’en étais pas sure. Je l’observais un instant. Il aurait pu être mon père presque. Mais j’avais déjà dû me farcir des hommes bien plus murs que lui, c’était pas un problème en soit. J’avais juste honte de ce que je m’apprêtais à faire en fait. Il était séduisant, c’était pas ça le problème, mais la confiance mutuelle qu’il y avait entre nous risquait de s’en trouver entachée après ça, j’en avais bien peur.

Bref, j’hésitais pas plus longtemps et je redressais sur les coudes pour l’embrasser, plaquant mes lèvres contre les siennes.

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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeMer 6 Mar - 12:21

Sans crainte, je ne m’attendais pas à ce que Lola me résiste. Elle s’était toujours montrée docile et gentille en ma présence. Jamais une crise de caprices, jamais une attitude de sale môme décérébrée comme j’en voyais passer de temps en temps. Même pendant sa période la plus noire, je n’avais pas eu à me plaindre de son comportement. Sans doute grâce à son caractère naturel qui adoucissait les angles. Si Tara s’était trouvée à sa place, je ne crois pas que j’aurais pu garantir aussi aisément la même fluidité dans nos rapports, par exemple. Tandis qu’elle s’asseyait et que je la questionnais, mon regard était cette fois entièrement consacré à elle, prêt à analyser le moindre détail, la plus petite trace sur son visage, toutes les preuves qui pourraient justifier l’inquiétude de sa sœur. Quelque part, j’aurais souhaité qu’elle se trompe. Mais d’un autre côté … Je devais reconnaître que je n’étais pas surpris. Les réchappés de la drogue ou d’un style de vie borderline sont difficiles à ramener totalement dans le camp des vivants. Les stigmates ne disparaissent pas aussi facilement. Le corps se fait vite à ces mauvais traitements. La dépendance … Je ne crois pas qu’il existe pire chose que la dépendance, pour quoi que ce soit. C’est elle qui tue, qui forge, qui fait ployer les silhouettes, les cellules. Qui transforme un être, en somme. Il faut que tu te battes, Lola. Que tu te sortes de là. Tu es encore jeune, avec toute ta vie devant toi. Ne la gâche pas maintenant. Pas si tôt. Elle tentait de se soustraire à moi, mais je demeurai impassible en attendant sa réponse, peu sensible au reste. C’était trop important. Je soupirai à ses mots. Mon dieu… Encore une qu’il serait périlleux de raisonner. Ne perdant pas espoir pour autant, j’attendis qu’elle se soit confiée sans l’interrompre. Ses yeux, plongés soudainement dans les miens, me parurent habités par une étincelle que je n’appréciais pas, sans parvenir encore à savoir pourquoi. Ainsi, Tara avait eu raison. De la coke …
Mes lèvres se pincèrent, et mes dents s’en prirent doucement à l’intérieur de ma joue. Bordel.
Sans que je n’eus à le lui demander, la petite Andrews s’allongea, et je me détournai. Autant commencer l’auscultation en même temps que nous parlerions. C’était le plus efficace, en général. Je fis quelque pas et me lavai les mains avec application, les séchant rapidement.


« Bon… Je vais regarder un peu tes yeux, tes bras … Peut-être que tu vas devoir enlever ton haut, pour le moment je vais juste voir comment vont tes pupilles. »

La coke n’influait pas sur elles. Ce qui voulait dire que si je parvenais à distinguer quelque chose de plus probant à ce niveau-là, j'en déduirais automatiquement qu'elle ne prenait pas uniquement cette saloperie-là. Me penchant sur elle, je m’apprêtais à me concentrer et à frôler sa tempe de mes doigts, quand quelque chose qui n’aurait pas dû arriver, arriva. Je n’eus pas le temps de tendre le bras pour allumer la lampe me permettant de mieux l’apercevoir. Je n’eus pas le temps de la sentir se redresser, ni de réagir quand ses lèvres se mirent à peser sur les miennes. Aussitôt, un long frisson me secoua, et j’eus doublement le souffle coupé. Mon premier réflexe fut de lui rendre le baiser dans une impulsion née strictement de mes propensions à ne jamais lutter contre mes envies. C’était traître. Car je n’étais pas Ian, ici et maintenant. J’étais le Docteur McKennitt, point barre. Et un docteur …n’embrasse pas sa patiente. Je me fis violence et me redressai, mes mains saisissant ses épaules pour la reculer de moi, plaquant son dos de plus belle contre la table. Haletant, je la dévisageai comme si elle était sortie de l’asile.

« Lola… »

J’inspirai profondément, m’exhortant au calme.

« Qu’est-ce qui te prend … ? »

Après l’action, la réflexion. Merde… Un élan de culpabilité. Avais-je émis un geste déplacé ? Des paroles ambigües ? Une attitude suggestive ? Non. Non, la réponse était clairement non. Ce n’était pas mon genre. J’étais un vrai coureur en-dehors des murs de l’hôpital. Mais ici… Ici je m’étais forgé une réputation d’homme modèle, qui ne cédait pas à ces vices sur son lieu de travail. Depuis sa prime adolescence, je ne l’avais jamais encouragé à cela. Pas de tentatives de séduction d’aucune sorte. Elle était jolie, oui. Cependant, je la considérais avant tout comme une gamine en perte d’orientation qu’il fallait soigner. Pas entraîner dans mon lit.

« Arrête ça … Tout de suite, d’accord ? »

Un peu secoué, je lui fis un signe de main pour l’inviter à se redresser. J'aurais plutôt voulu la renvoyer chez elle sur le champ. Toutefois ... J'avais une tâche à accomplir. Prendre sur moi.

« Assieds-toi. Ca vaut mieux. Tu dois respirer normalement, okay ? Reste tranquille. S’il te plaît. »

Sinon, je ne pourrais pas l’ausculter. Le stéthoscope ne serait d’aucune utilité avec un cœur battant et tambourinant dû aux atermoiements des chairs. A la place, je baissai les yeux vers son bras que je pris entre mes doigts, le caressant sur toute sa longueur en m’efforçant de ne pas songer à ce qu’il venait de se passer. Plus facile à dire qu’à faire. Elle venait de marquer un bon point en me troublant considérablement. C’était la première fois que j’avais un tel cas de figure en face de moi. Et il est drôle de constater à quel point une auscultation paraît soudainement bien différente de celles qu’on a l’habitude d’exercer, quand la dite patiente vous saute au visage. Vite, parler. Reprendre mon rôle, reprendre le masque, malgré ma fébrilité et mon assurance entachée.

« Lola, un vampire … N’a rien en commun avec un humain. Ce sont des créatures viles, qui ne pensent qu’à satisfaire leurs propres désirs. Tu ne gagneras pas grand-chose à sympathiser en leur faveur. Ecoute Tara, un peu… Elle y va fort, mais elle a aussi raison. L’argent ne justifie pas tout. Tu ne vis pas dans la misère à ce point … ? Si encore tu étais dans la rue… »

Non. Tout valait mieux que travailler pour ces cauchemars ambulants.

« Ce sont eux ? Ce sont eux qui t’ont poussé à consommer encore, c’est ça ? »
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeMer 6 Mar - 16:03

Ce baiser. Ce fut le choc. C’était que je m’attendais pas du tout à ça. Ses lèvres étaient si douces, un vrai plaisir de les embrasser que j’en eus des frissons partout dans le corps. A l’instant où nos lèvres s’étaient touchées, ce que je prenais pour un sacrifice s’était transformé en un bien-être intense. Et il me l’avait rendu, ça j’en étais persuadée, même si son geste avait été bref et si furtif qu’on aurait pu croire le contraire, mais on ne me trompait pas sur ça, j’avais suffisamment l’habitude pour capter ce genre de réaction.

Le médecin reprit pourtant le dessus, à mon grand regret. Par des mots, par des gestes, il tenta de me repousser, me replaquant presque de force sur la table. J’insistais pas, c’était pas mon genre même si une pointe de regret me tirailla les tripes. Mais il était troublé, c’était flagrant, même s’il tentait de reprendre ses esprits et reprendre le fil de la séance comme elle aurait dû se dérouler dans tous les cas de figure. Je me laissais faire et me rallongeais, même si mon cœur s’était un peu emballé sur le coup. C’était comme si je venais de franchir un interdit, c’était terrifiant et à la fois excitant.


« Assieds-toi. Ca vaut mieux. Tu dois respirer normalement, okay ? Reste tranquille. S’il te plaît. »


Je m’exécutais sans rien dire, m’asseyant alors sur le bord de la table, gardant les yeux baissés. J’avais peur qu’il m’engueule peut-être ou qu’il me somme de rentrer chez moi. C’était bizarre, j’avais pas du tout envie de partir maintenant. Quand il m’attrapa le bras, un nouveau frisson remontant le long de ma colonne vertébrale mais je ne bougeais pas, comme il me l’avait demandé. Et puis ses doigts coururent sur ma peau, c’était terriblement agréable. Je remontais enfin les yeux dans les siens, les fixant avec insistance.

« Lola, un vampire … N’a rien en commun avec un humain. Ce sont des créatures viles, qui ne pensent qu’à satisfaire leurs propres désirs. Tu ne gagneras pas grand-chose à sympathiser en leur faveur. Ecoute Tara, un peu… Elle y va fort, mais elle a aussi raison. L’argent ne justifie pas tout. Tu ne vis pas dans la misère à ce point … ? Si encore tu étais dans la rue… »

Et voilà, c’était reparti pour les remontrances.


« Ce sont eux ? Ce sont eux qui t’ont poussé à consommer encore, c’est ça ? »

Je secouais la tête négativement. Il était totalement à côté de la plaque. Je m’étais toujours drogué, ce n’était pas un fait nouveau et les vampires n’avaient rien à voir la dedans.


- D’abord, j’en connais qu’un. Mon boss au casino.

J’allais pas lui dire que j’avais aussi rencontré Théobald. Non ce n’était pas la peine d’en rajouter et d’alourdir mon cas déjà bien amoché.


- Et la drogue… c’est avec mes potes, mes…

Clients ? Non je ne pouvais pas lui dire. Tara l’ignorait aussi, elle pensait juste que j’étais trop naïve pour ne pas dire non à un garçon. Elle ne pouvait pas penser que certains me payaient pour me sauter.

- ... mes amis humains quoi…

L’argent n’était pas un problème certes, mais je ne voulais pas être dépendante de ma sœur. J’avais déjà assez à supporter de la pression morale qu’elle m’infligeait, si en plus, je lui devais le gite et le couvert… Et puis je ne savais rien faire d’autre. Je n’avais pas été loin dans les études et je devais bien avouer que la vie la nuit m’allait plutôt bien. Je ne me voyais pas du tout caissière dans un supermarché et femme de chambre dans un hôtel. Tenir un bar, servir les consos dans une ambiance festive et musicale, ça c’était mon truc.

Je posais alors ma main sur la sienne, l’arrêtant dans son geste en murmurant.


- Vous lui direz rien hein ?… à Tara…

Pour le baiser. J’avais fait n’importe quoi, certes, mais je méritais pas l’échafaud pour autant. Elle aurait été fichue de m’envoyer chez un autre docteur si elle l’apprenait et je voulais pas ça. Je réalisais alors mon geste, baissant le regard dessus et je retirais aussitôt mes doigts des siens.

- Ne me jugez pas s’il vous plait… ne me jugez pas pour ce que je fais… personne ne peut comprendre pourquoi…
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeMer 6 Mar - 18:16

C’était tout bonnement atroce. Je la sentais frissonner, sous ma paume. Je la sentais. Et j’aurais tellement souhaité en faire abstraction… en vain. Gosh… Depuis quand le monde tournait-il à l’envers à ce point ? Depuis quand tout ce qui paraissait immutable se changeait en eau mouvante ? Ses yeux venaient quérir les miens, mais j’évitais de prolonger trop longtemps le moindre contact visuel. Déjà que le fait de la toucher en cet instant n’était pas à proprement parler ce qu’il y avait de mieux, si je pouvais éviter un autre incident de cette nature… Quelle journée. Quelle foutue journée, totalement déréglée. C’était à me donner l’envie de faire l’école buissonnière demain. Elle m’affirmait que les vampires n’avaient pourtant rien à voir avec sa consommation de drogue. Et si j’eus quelques réserves sur la question, je les gardai pour moi, n’ayant aucune certitude quant à un potentiel mensonge. Et comme le doute devait toujours bénéficier à l’accusé… Un peu soulagé, j’appris qu’elle n’en connaissait qu’un seul. Bon… C’était déjà ça. Tout était bon à prendre, au point où nous en étions. Qu’elle travaille dans un casino si jeune me fit grincer des dents, et je dus retenir de justesse ma langue de claquer contre mon palais, tic qui m’habitait chaque fois que quelque chose me déplaisait profondément. Un vampire à la tête d’un casino qui engageait des gamines. Très rassurant. Génial.

« Qu’est-ce qui te pousse à replonger, Lola ? Est-ce que tu t’es déjà posée la question, ne serait-ce qu’une fois ? »

C’était le moment le plus délicat. J’avais l’impression de repartir quelques années en arrière, alors que je tâtais le terrain pour vérifier qu’une discussion était possible sur le sujet entre elle et moi.

« Qui te fournit ? Comment tu payes ? »

Je le lui avais toujours demandé. Ce n’était pas moi qui irais faire une enquête sur l’empire de la drogue dans les rues de Seattle. Tenu au secret professionnel, ce genre d’informations ne sortait jamais de mon cabinet, par respect envers la confiance que me témoignaient mes patients. Et des patients aussi particuliers que les sœurs Andrews étaient plus prioritaires encore … Palpant son bras, je cherchais des traces de piqûres. En trouvai une. Ou deux. Des traces anciennes, mais pas tant que ça. Elles mettaient du temps à disparaître, toutefois … A son âge, les pores finissent par se resserrer plutôt rapidement. Rien à voir avec les junkies de quarante balais et plus qui, pour le coup, n’avaient aucune chance de passer inaperçus auprès d’experts ou de connaisseurs en la matière. Une main m’interrompit, volant sur la mienne, et seulement alors mon regard s’ancra au sien durablement. Je déglutis difficilement. Ca ne regardait pas Tara. Il s’agissait d’un entretien strictement privé, et contrairement à sa sœur, l’inquisition ne faisait pas partie de mes préceptes moraux. Malgré mon pincement au cœur en sachant que la petite droguée ne saurait jamais s’en sortir toute seule, je ne souhaitais pas aller à leur encontre. Il s’agissait d’une règle d’or gravée en moi. A vie.

« Non. Je ne lui dirais rien. Mais ne recommence pas … Promis ? »

Et lâche ma main, Lola…
Tu ne m’as pas habitué à ça. Et je ne suis pas préparé à ça dans l’état actuel des choses. Comme si elle avait pu lire dans mes pensées, ses doigts quittèrent les miens. Je ne soupirai pas de soulagement pour autant. Quel soulagement pouvait-on ressentir face à cela de toute façon ? Elle me touchait. Vraiment. Je sentis mes sourcils se froncer à ses mots, et mes doigts étreignirent doucement son épaule
.

« Je ne te juge pas… Je ne suis pas là pour juger. C’est pas mon boulot, ça. C’est celui du monde, dehors. »

D’un mouvement de tête, je désignai la grande baie vitrée, teintée et donnant vue sur la ville depuis son troisième étage attitré. Cependant, j’étais attiré par ses paroles absconses. Comme s’il fallait lire entre les lignes. A portée de ma main libre, je saisis mon stéthoscope, maintenant que la pression redescendait un peu.

« De quoi tu parles ? Personne ne peut comprendre pourquoi quoi ? Tu veux bien m’expliquer ?»

Retrouvant mes marques et surtout, faisant abstraction de ce qu’il venait de se passer, je murmurai rapidement pour ne pas entraver une réponse éventuelle :

« Je vais juste relever un peu ton haut, pas besoin que tu l’enlèves… Je peux ? Ca va être un peu froid au début, comme d’habitude... Voilà, tiens-le pendant que...»

Plaçant les embouts sur mes oreilles, je calai le pavillon entre mes phalanges et cherchai à percevoir son cœur aussi clairement que possible, fermant les yeux pour être à la fois capable de discerner sa voix fluette tout en demeurant concentré sur les deux formes de battements de son palpitant... et éviter de tomber sur son soutien-gorge pour ne pas ajouter à la confusion. Son rythme cardiaque était élevé. Beaucoup plus élevé que la moyenne. Ce qui n’était pas forcément incompatible avec la prise de coke. Au contraire, cela pourrait même expliquer un possible état de fatigue ainsi qu’un amaigrissement progressif. Mordillant la pointe de ma langue tout en travaillant, déplaçant le pavillon sur l’épiderme jeune, j’eus le soulagement de ne pas entendre de bruits plus inquiétants. Non. C’était surtout ces battements un peu trop rapides qui me préoccupaient.

« Je vais te prendre la tension, pour être sûr. Je crois que ça vaut mieux. Ton cœur bat un peu vite. »
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeMer 6 Mar - 19:38

Les questions plus concrètes commençaient à venir. Ces questions-là je les avais déjà entendues par le passé. Comment je payais, qui me fournissait, si je m’étais déjà remise en question sur ça, etc. Le truc classique qu’on devait demander à un drogué quand on se penchait un peu trop sur son cas. En même temps, il tâtait toujours mon bras, y cherchant une trace récente surement. Ce n’était pas le cas, ça faisait au moins deux mois que j’avais pas pris d’héro et c’était plutôt bien car les ravages étaient assez rudes et surtout la dépendance terrible à vivre. Mais en compensation, j’avais découvert le sang de vampire et ça, oui ça, c’était la meilleure drogue qui pouvait exister. Je répondais cependant à ses questions d’un ton neutre, j’avais rien à cacher de plus qu’il ne savait déjà sur les faits.

- Mes fournisseurs sont les mêmes, des habitués du Central District… j’ai mon salaire pour ça. C’est pour ça aussi que je veux bosser, je veux pas être obligée de voler… surtout pas ma sœur...

Meme si je devais me prostituer aussi parfois quand les fins de moi étaient difficiles et que je pouvais pas attendre la paye. Le sang de vampire c'était le summum, mais c'était aussi terriblement cher.

Quand je le lâchais, il m’assura de ne rien répéter à Tara et je le croyais. Je connaissais le fameux serment qui le tenait au secret médical mais je savais aussi comment il pouvait arriver qu’on informe la famille dans un cas grave. Même si je me considérais pas comme un cas grave, il aurait pu avoir envie de l’informer. En tout cas, il devait s’attendre à ce que ma sœur l’interroge, ça c’était inévitable. Elle allait vouloir savoir ce dont avait retourné notre entretien et surtout ce que j’avais pu dire au doc qu’elle ne sache pas déjà. Et après ça, j’allais avoir droit encore des sermons à la maison qui commenceraient toujours par « Tu sais, même le doc McKennitt est d’accord avec moi pour dire que… ».

Je tournais la tête vers la baie vitrée en même temps que lui, quand il évoqua le monde. Le monde, s’il savait comment je m’y sentais mal. D’ailleurs mes dernières paroles l’intriguèrent un peu trop et il chercha en savoir plus tout en commençant l’auscultation. Je relevais mon haut, juste au-dessus de la poitrine et il commença à écouter mon cœur. Je préférais ne pas regarder, pour m’empêcher de sentir, même si ses doigts si proches de moi avaient le don d’affoler mon cœur un peu plus. Il frôla même ma peau quand il changea d’endroit et je réprimais un soupir qu’il prendra surement pour une réaction à la froideur du stéthoscope. Pourtant j’hésitais encore à répondre à ses questions, je ne savais pas comment aborder la chose. Je ne lui avais jamais confié cela auparavant. Seule ma sœur savait mais n’avait jamais accordé l’importance que j’avais espéré. Je me sentais tellement incomprise par moment.


- Nous étions deux sœurs siamoises… deux sœurs unies dans un même corps… deux sœurs que rien ne pouvait séparer...

Les yeux dans le vague, je commençais à parler, mais c’était plus pour moi que pour lui en fait. Je me souvenais de ce jour-là, quand on devait partir au bloc. Nous étions jeunes mais pourtant les images étaient toujours aussi claires dans mes souvenirs. J’avais ce sentiment affreux que je n’allais plus faire partie d’elle après ça et que quelque part, elle allait m’abandonner.

- Et on nous a séparé...

Pour le meilleur et pour le pire, comme ils disaient.

Je me tournais alors vers lui, un peu brusquement certes, si bien que je bousculais sa main sur moi sans prendre garde. Enfin si, je réalisais mon geste trop tard mais je tachais de faire comme si il n’y avait rien eu de grave. Je ne voulais pas le remettre mal à l’aise une nouvelle fois, j’avais promis. J’affichais un sourire tendu quand je levais les yeux sur lui, baissant alors mon t-shirt. De toute façon, il avait terminé.


- Vous avez déjà entendu parler de l’expérience de mort imminente ?

Forcément que oui. Il était toubib après tout, c’était surement un cas d’école évoqué dans les facs de médecine. Mais tout lui expliquer me paraissait insurmontable. Surtout lui avouer que j’avais une voix dans ma tête qui n’était pas la mienne. Il allait me prendre pour une folle et peut être me faire interner au final. Y’a certaines choses que je ne pouvais décidément pas confier à quiconque.
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeJeu 7 Mar - 14:56

J’enregistrais silencieusement ce que ma patiente m’apprenait. Son salaire … Je me tins coi, tandis que mes méninges fonctionnaient à plein régime. Un salaire ne couvre pas toutes les dépenses d’un drogué. Surtout un drogué qui vient de replonger et dont l’état de manque jaillit aussi sûrement qu’une flamme née d’une huile incandescente. Son salaire … Si elle ne vivait pas chez Tara, Lola serait probablement à la rue depuis très longtemps. Car je n’imaginais pas comment autrement elle pourrait payer ses dépenses de nourriture, les frais du quotidien, d’habillement et de loisir. Même dans un casino où les salaires étaient plus élevés … Je connaissais les tarifs de la cocaïne. A force de fréquenter des patients accros, on finit inévitablement par s’intéresser à leur objet de vice, et surtout d’où vient la merde qui les consume. On se renseigne discrètement sur les tarifs, sur les occasions de s’en procurer, etc. C’est l’avantage de traîner un peu dans tous les bars. Les langues sont plutôt bien pendues, pour certains. Je craignais donc ce qu’elle me taisait avec évidence. J’avais peur de cette vérité appliquée à elle. A son visage aux traits encore enfantins, parfois. A ses grands yeux innocents dans lesquels pouvaient luire des étincelles d’une toute autre nature. Imprévisible. C’est alors qu’une nouvelle extraordinaire vint poser une pierre supplémentaire sur cette petite montagne d’imprévus. Reposant doucement le stéthoscope près d’elle, mes gestes se figèrent quand mon regard vint chercher le sien, ahuri. Des sœurs siamoises ? Je fronçai les sourcils. Impossible. Je l’aurais su… Et leur dossier médical ne comportait rien de la sorte.

« Quoi… ? »

Sous le choc de ses propres révélations, elle ne prit pas garde à moi avant de brutalement se redresser, cognant ma paume par la même occasion. Je n’y fis même pas attention.

« Attends, attends, attends… On va tout reprendre depuis le début, si tu le veux bien. Oui, évidemment que je connais l’expérience de mort imminente, mais … »

Attrapant un siège roulant, je le rapprochai et m’assis en face d’elle, posant une main sur ma cuisse quand l’autre bras reposait sur l’accoudoir. J’étais stupéfait.

« Pourquoi ne m’avez-vous jamais dit que vous étiez siamoises … ? Et surtout, comment est-ce que votre fichu dossier médical peut ne pas en comporter une seule trace ? Où a été faite l’intervention ? A quel âge ? Par quel médecin, et pour quelles raisons invoquées ? Combien d’heures pour l’opération ? A quel endroit précis a-t-elle été effectuée ? »

L’incompréhension ainsi qu’une touche d’agacement se diluait, provoquant un état entre deux eaux plutôt difficile à gérer, même pour moi. L’air me manquait soudainement.

« Vous auriez dû savoir qu’il est VITAL pour un médecin généraliste de disposer de ce genre d’informations ! Lola ! C’est comme si tu me demandais de résoudre un problème sans me donner la totalité des données ! Comment je fais, moi ? Hein ? »

Mordillant plus fort l’intérieur de ma joue au risque de m’en faire mal, je tentais de trier mes pensées. Je saisis l’un de mes bloc-notes posé sur la surface plane derrière moi, et m’emparai du stylo glissé dans la poche de ma blouse, commençant aussi à noter frénétiquement :

*Patientes : Lola & Tara Andrews.
Cas : Drogue pour L. Cocaïne. Hypertension probable détectée. Amaigrissement sérieux.

 Encart : Siamoise de naissance…
*

« Il va falloir qu’on reprenne sérieusement au point certaines choses… Surtout au niveau de la communication si tu vois ce que je veux dire … »

Je secouai la tête tout en notant mes observations.

*Lunatisme. Apathie rompue brusquement. Actes immodérés. Excès. *

« Alors si tu veux bien rattraper tes manquements … je t’écoute. »
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeJeu 7 Mar - 16:24

J’étais stupéfaite de sa propre surprise. Il m’annonçait tout simplement ignorer les faits sur nous, sur notre gémellité, sur l’opération, sur tout ce qui avait fait notre vie depuis le début. J’avoue que je ne savais pas quoi dire ni quoi lui répondre alors qu’il m’assenait déjà de questions.

- Mais…

Les mots me manquaient, je ne savais pas du tout comment et surtout dans quel ordre reprendre les choses. Mais déjà il s’emballait. Il avait pris un siège pour s’assoir face à moi, sortant un bloc note pour noter tout ce que j’allais lui dire. Et la stupeur fut d’autant plus forte quand il sous-entendit le manque de communication.

- Mais enfin doc… je suis née ici et j’ai toujours cru que vous saviez tout, que vous étiez interne à l’époque…

D’ailleurs, je n’arrivais pas à me souvenir pourquoi je croyais cela. Qui me l’avait dit ? Peut-être ma mère à l’époque, quand elle nous avait amené voir ce nouveau docteur pour la première fois ? Depuis elle n’était plus là pour répondre aux questions et ce genre de détail n’avait pas eu suffisamment d’importance pour qu’on s’y intéresse de plus près.

Cet interrogatoire prenait pour moi des allures un peu trop officielles à présent. Je me sentais comme prise au piège de je ne savais quoi et ça me laissait cette vague impression d’étouffer. Et puis c’était pas normal que notre dossier n’existe pas à l’hôpital, on était nées ici, on a avait été opérées ici. Tout ça ressemblait au scénario d’un mauvais film d’horreur.

- Ecoutez.. le dossier doit exister… on a été opérée ici même…

Je ne pouvais rester plus longtemps en place, me levant comme si une mouche m’avait piqué, pour descendre de la table. Je gagnais la baie vitrée, focalisant mon regard dehors, au loin, très loin de l’horizon des buildings. Le ciel était chargé, il allait pleuvoir avant le soir.

Je ne restais pourtant pas en place. Une main sur la hanche, je me tenais la tête en faisant les cents pas. Il y avait forcément une explication à tout cela, je n’étais pas folle !

Revenant vers la baie vitrée, j’y posais mon front et mes poings. Les mots se bousculaient dans ma tête, tentant de sortir. Je fermais les yeux, les images défilant dans ma tête, le film de ma vie. Ma voix s’enraya quand je commençais à parler, l’émotion était au maximum. Mes yeux me piquaient aussi.


- Nous sommes nées le 4 juillet 2000 dans cet hôpital. Nous étions siamoises, par le bras et la main, nos paumes collées l’une contre l’autre. Ca a fait la Une de la presse même. En 2005 il a été décidé de nous séparer, la vie devenait compliquée, j’avais déjà eu du mal à apprendre à marcher… à cause de ma sœur, plus précoce que moi. C’est le docteur Meredith qui nous suivait durant tout ce temps, j’imagine que c’est lui qui a pratiqué l’intervention…

Je laissais un blanc, alors que les larmes coulaient sur mes joues mais je refusais d’ouvrir les yeux. Le souvenir de tout ça était douloureux, surtout celui de nos parents disparus. Je revoyais ma mère dans chacun de mes souvenirs et il était rare que je pense à elle ainsi. Elle me manquait tellement. Quant à mon père, c’était encore pire. Il m’avait toujours protégé de tout, mais ce n’était pas du tout comment Tara s’y prenait. Lui, c’était tellement d’amour et de tendresse dans ses gestes. Ca me déchirait le cœur d’y resonger.

- Ils…

J’étouffais un sanglot, je ne voulais pourtant pas craquer avant d’avoir terminé, sinon c’était foutu.

- Ils…nous ont opérées mais il y a eu des complications. Pour moi… j’ai frôlé la mort, j’ai vu le tunnel, la lumière blanche, tout ça…

Et Sarah. Mais il ne valait mieux pas tout embrouiller pour l’instant.

- Depuis… ma main est insensible.. et Tara..

M’avait volé ma part pour se l’approprier.

Je ne pus pourtant poursuivre, glissant contre la vite pour tomber à genoux, hoquetant, les sanglots allant jusqu’à m’empêcher de respirer.
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeSam 23 Mar - 19:30

Elle paraissait surprise. J’ignorais pourquoi, exactement. Peut-être parce qu’elle ne s’attendait pas à un tel excès de colère de ma part. Ses réflexions me firent stopper net dans mes propensions à noter le récit de son passé médical. C’est là que le gros quiproquo éclata. Tous les deux nous trouvions face à des certitudes qui venaient de se briser comme la vague sur les rochers. Je secouai la tête.

« Non… Non, je ne savais pas. Quand on m’a remis votre dossier entre les mains, pas une fois on ne m’a parlé d’une opération pareille, Lola… Je m’en serais souvenu, tu penses bien. Non, il y avait un autre médecin qui s’occupait de vous deux avant moi. Il est parti à la retraite depuis. »

De plus en plus inquiet, j’avais totalement cessé d’écrire, pressant durement mon stylo entre mes phalanges, tandis qu’un pli soucieux barrait mon front.

« Le dossier existe forcément … Mais j’avoue qu’il serait un peu gros de penser à une simple « perte » ou à une destruction par erreur. Je vais entreprendre des recherches dans ce sens. On verra bien ce qu’il en est. Je te tiendrai au courant. Pour le moment, on ne dira rien à Tara d’accord ? Ce sera entre toi et moi. Jusqu’à ce qu’on en sache plus, pas la peine de l’alarmer en plus là-dessus. »

Si elles avaient été opérées ici… alors il y avait obligatoirement des traces dans les archives de l’hôpital. Et Dieu sait que j’étais prêt à fouiller pour comprendre d’où venait ce bordel sans nom. Elle se leva, et je ne l’en empêchai pas. Je traçai un énorme point d’interrogation dans la marge de mon calepin. Mon cœur battait un peu plus vite, comme s’il avait senti que nous touchions du doigt à une anormalité de taille suffisante pour remettre en cause en profondeur le cas des sœurs Andrews. Qui était le responsable de cette négligence ? On pouvait certes cracher à loisir sur l’administration, mais ici, le cas s’avérait bien trop gros pour que je me permette une telle facilité. Je finis par poser mon matos, le laissant de côté. J’en apprendrais encore combien de belles avant que la journée ne se termine ? Lola me rendait fou par ses va-et-vient intempestifs, mais elle semblait dans un tel état de nerfs que je n’eus pas le courage de lui demander de cesser et de revenir se rasseoir calmement. Sans me lever pour ne pas perturber le tableau que nous formions, mon regard ne quittait plus sa silhouette svelte et agitée par des conflits intérieurs que je ne pourrais guère extirper seul. Il me faudrait l’aide de sa volonté à elle. Sans cela… Elle sombrerait. Elle sombrerait définitivement sans que je ne puisse plus lui tendre la main pour l’aider.
Par respect, je ne notai plus. Tâchant de retenir tout ce qu’elle me confiait mentalement. Ce serait seulement après son départ que je me remettrais à inscrire tout ce que j'enregistrais maintenant. J’imaginais jusqu’aux moindres détails, la faute au médecin en moi, la formation des tissus reliant les deux jeunes filles. Les siamois continuaient de fasciner encore aujourd’hui. Une fascination tendant même parfois jusqu’au morbide, au point que les patients en question avaient bien souvent du mal à faire face à de telles opérations… et aux conséquences de celles-ci. L’attachement extraordinaire qui les reliait toutes deux n’était plus aussi incroyable, aussi hors du commun désormais. Il était devenu le fruit d’une logique imparable.

N'y tenant plus, je finis par me me lever, dépliant lentement mes jambes en la sentant très éprouvée émotionnellement parlant. Par réflexe, je jetai un coup d’œil vers le fond de la pièce. Tara ne rentrerait pas. Nous étions seuls, elle avait le droit de laisser couler sa peine. Le souffle tremblant, totalement obsédé par l’émoi extraordinaire qu’elle dégageait, par ses comportements, par sa voix et ses souvenirs qu’elle me confiait, je sentis un énorme élan de compassion me pousser vers elle. A temps. Je parvins à sa hauteur juste pour l’empêcher de heurter le sol trop violemment, de mon bras ceignant sa taille. Je demeurai agenouillé à ses côtés, et tout en n’obstruant pas l’arrivée d’air qui lui permettrait de respirer, la gardai fermement serrée contre mon flanc
.

« Lola … Calme-toi, sweety… Ma belle, respire… »

Je descendis mon bras au niveau de ses reins pour la pousser à bomber le buste et à ne surtout pas se recroqueviller sur elle, ce qui n’amènerait qu’à une seule chose : freiner l’arrivée d’oxygène qui lui éviterait de s’étouffer.

« Respire doucement … Comme on l’avait fait une fois, tu te souviens ? Tu inspires par le nez … Tu expires par la bouche … Et surtout tu prends ton temps. Tu prends tout le temps dont tu as besoin. Il faut juste que tu respires… »

Je n’en oubliais pas pour autant ses révélations. Complications … Je me mordis l’intérieur de la joue avec force. Mon étreinte sur elle s’en raffermit. Je ne la laisserais pas tomber, jamais. Même si l’avenir s’annonçait noir, même si le manque reviendrait toujours la hanter. Je ne lâcherais pas l’affaire.

« Je ne pouvais pas savoir que tu en étais encore aussi marquée. Oh bien sûr, une telle opération n’a rien d’anodin… et toute ta vie tu auras des réminiscences de cette époque. Mais il faut que tu passes outre. C’est important. C’est important pour ton bien-être, ici. »

Du bout du doigt, j’effleurai la tempe de celle que je voyais encore parfois comme une enfant, malgré ses travers et sa maturité. Puis, je m’emparai de sa main insensible avec une grande délicatesse. Je souris, un peu. Elle se perdait dans la mienne.

« Tu as parlé au Docteur Meredith de cela ? Il n’a jamais pu te donner des traitements pour parer à l’engourdissement ? Tara souffre, elle aussi ? »
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeLun 25 Mar - 11:54

J’étais effondrée, comme il était rare que je me laisse aller autant. Maintenant que tout sortait, je ne pouvais plus m’arrêter, ni d’avoir mal, ni de pleurer. Mes sanglots m’étouffaient, dans un hoquet incessant. Je n’entendais plus le doc, il n’était qu’une voix lointaine que je ne captais plus. Pourtant quand je tombais, quelque chose me rattrapa et je compris alors que le doc était là. Sa voix tentait de me rassurer pour que je me calme, je n’y arrivais pourtant pas, pleurant de plus belle, surement à cause du fait que j’avais de plus en plus de mal à trouver ma respiration. Ou c’était l’effet inverse. J’étais incapable d’analyser quoique ce soit.

Tout se chamboulait dans ma tête, tout se retournait. Le passé, le présent. Ses questions qui revenaient. Les réponses que je n’arrivais même pas à formuler, mes lèvres se mourant dans des tentatives vaines d’articulation.

Je compris qu’il était là, qu’il m’avait retenue pour ne pas tomber. Son bras m’enlaçait la taille et sa main me pressait pour me redresser alors qu’il m’expliquait comment respirer. Je tentais de l’écouter, me remémorant cette fois-là où il m’avait appris. C’était à l’époque où je faisais encore des crises de panique, suite au décès de nos parents. Il m’avait enseigné cette sorte de relaxation par la respiration et ça avait eu le don de fonctionner. Peu à peu je me calmais, l’écoutant et les hoquets commencèrent à s’atténuer à leur tour. Je me laissais aller alors contre lui, mon front d’abord contre son épaule, puis mon visage entier. Mon maquillage avait coulé, mettant du noir sur sa blouse.

- Je… suis… désolée…

Je murmurais à voix basse. Pour le maquillage. Pour tout le tracas que je lui causais. Pour être moi et pas ma sœur. Pour le cas médical qu’il découvrait. Pour tout. Pour le simple fait d’exister encore, d’être cette erreur. Car j’étais une erreur de la nature finalement. Un double inutile.

Lentement il attrapa ma main qu’il garda dans la sienne, commençant alors à me poser des questions à son sujet. C’était bien la première fois que ça arrivait. Ce détail n’avait jamais troublé personne plus que de raison. Quand je commençais enfin à retrouver mes esprits, je baissais à mon tour les yeux sur ma main alors qu’il caressait ma paume de son pouce. Je ne le sentais même pas ce qui me tira un petit sourire triste.


- Rien n’a jamais… fonctionné. Il disait que ça faisait partie des conséquences, qu’on ne pouvait pas lutter contre ça. Il disait…

Que je pouvais vivre avec sans rien risquer. Que je finirais par m’y habituer. Je me souvenais de ses paroles qui m’avaient horrifiée à l’époque. Comment pouvait-on dire cela à une enfant ?

- On ne pouvait rien faire…

Je refermais alors mes doigts sur ma main, comme pour tenter d’effacer ou d’oublier. Même lui, il ne pouvait rien y faire. Même avec la meilleure des volontés.

Lentement je relevais les yeux sur lui, osant le regarder en face après tout ça. Je voyais bien qu’il voulait m’aider mais il ne pouvait rien faire. Me parler de mon bien être c’était ridicule, mais il ne pouvait pas savoir. J’acquiesçais doucement de la tête, échappant encore quelques sanglots égarés. C’était plus pour le rassurer au fond, lui laisser penser qu’il avait peut être la solution, mais moi je savais que c’était du vent tout ça. Pas que je me foutais de tout ce qu’il pouvait bien me dire, mais il connaissait pas ma vie, il connaissait pas mes démons.


- Tara est…

Comment expliquer ça. Je n’arrivais même pas à trouver les mots. Ce n’était pas de sa faute à elle, ce n’était pas elle qui avait choisi cet état.

- Sa main est hypersensible. Elle sent des choses… Comme si, elle avait nos deux sensibilités en elle, alors que moi j’en ai plus du tout…

Oui, elle pouvait sentir un vampire rien qu’en lui serrant la main et plus elle tentait l’expérience, plus cela s’avérait concluant. C’était assez dingue en soit.


- Mais elle n’a pas mal. C’est pour ça aussi qu’elle ne veut pas que j’en parle, de ma main… Pour pas qu’on nous pose trop de questions…

Parce que déjà, elle ne comprenait pas vraiment ce que je pouvais ressentir. Mais pour une fois que je pouvais en parler, je me sentais enfin écoutée, même si surement pas comprise. Je le fixais avec une attention nouvelle. J’attendais je ne savais quoi au juste, peut-être un peu d’attention au fond.


- Vous comprenez ?…

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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeMar 26 Mar - 1:06

Plus patient que jamais, j’attendais simplement qu’elle retrouve suffisamment d’aplomb pour pouvoir enfin articuler et parler, s’exprimer de plus belle. Vide ton sac, petite fille … Vide-le avant que son contenu ne t’étouffe. Vide-le, libère-toi de ce que tu gardes pour toi et toi seule depuis trop longtemps. Si j’avais su… Si seulement j’avais su, je te serais venu en aide plus tôt. Mais je n’ai pas vu. Ou je n’ai pas voulu voir. On ne sait jamais trop ce qu’il en est dans ces cas-là. Peut-être me suis-je convaincu que ta toxicomanie était l’unique responsable de ton tempérament changeant et versatile. Au moins m’écoutait-elle, et je ne pus m’empêcher de laisser un sourire un peu rassurer éclairer mon visage.

« Là… C’est bien, Lola. C’est très bien… Continue comme ça, Miss, c’est parfait. Tu vois que tu y arrives, hum ? »

Une bouffée d’affection me saisit quand la petite se blottit davantage contre moi, et je ne l’en empêchai pas au contraire. Appuie-toi sur ceux qui peuvent t’aider, ma jolie. Ne repousse pas les mains qui te sont tendues, au contraire. Reste avec nous. Avec ce qui est vivant. Les vampires ne représentent rien d’autre que la mort et l’ignominie, la souillure et les pires sévices. Un soleil comme toi n’a rien à faire parmi ces cadavres ambulants, ces sangsues attardées, un pied dans le passé et l’autre dans le présent. Je baissai les yeux et grimaçai, gentiment dépité en apercevant les tâches noires de son mascara sur ma blouse. J’éclatai d’un rire léger. Entre le café et le maquillage … ce n’était pas ma journée, décidément à ce niveau-là.

« C’est pas grave hein … Ca partira au lavage. Rien d’important. Rien d’important. »

Ce n’était que du tissu, après tout. Juste un bout de tissu à foutre au lavage pour qu’il puisse reprendre sa couleur d’origine. Pour les âmes humaines, ça ne marchait pas aussi bien malheureusement. Les tâches restaient, s’effaçaient un peu, mais il demeurait forcément une trace. Quelque chose. Elles s’amoncelaient ces tâches, et mises bout à bout, se nommaient : Expérience. Expérience de la vie, de la douleur, des hommes et du monde. Sa main toujours perdue au creux de la mienne, j’écoutai ses dires, la suite de ces confidences qui avaient pris une tournure plus intime encore que précédemment. Cela ne me dérangeait pas. Pas avec elle, du moins. Nous avions dépassé ce cap depuis très longtemps. Il me peinait d’apprendre que la science de la médecine se montrait incapable à la soulager du mal qui la dévorait de l’intérieur.

« Tu sais … Je crois que rien n’est immuable. Je crois qu’il existe toujours une solution, ou au moins un moyen d’améliorer les choses. Simplement, il faut chercher … et le Docteur Meredith n’avait peut-être pas le temps ni l’envie de se préoccuper de ça alors qu’il s’apprêtait à quitter son poste. C’est injuste pour toi. Mais c’est souvent ainsi, malheureusement. Et si j’avais eu connaissance de ton dossier plus tôt, crois bien que j’aurais fait tout ce qui est en mon pouvoir pour t’aider. »

Je ne quittai pas son regard du mien, l’affrontant avec une franchise pleine et entière. Réelle. Je voulais qu’elle lui apparaisse comme réelle, de tout mon cœur. Je compris alors que les rôles étaient totalement opposés entre Tara et sa sœur. Que la première avait hérité de tout le potentiel sensitif de la seconde, et qu’il pouvait résulter de tout cela de grosses séquelles traumatiques. C’était visiblement ce que j’avais sous les yeux, et cela me fendait l’âme. Pauvre gosse.

« Je… comprends. Tu n’as pas idée à quel point je comprends, Lola. »

Je m’interrompis le temps de chercher mes mots, fronçant les sourcils pour être sûr de ne pas faire de gaffe, de ne pas la heurter plus que nécessaire.

« Ces sentiments que tu peux éprouver sont on ne peut plus normaux. Tu sais … Peut-être que Tara éprouve une grande culpabilité envers toi. J’ignore si vous en avez déjà parlé longuement et en profondeur. Et je ne veux pas le savoir. Cela vous concerne strictement, c’est votre intimité, et il s’agit de votre histoire. Mais souvent … Celui qui prend la force de l’autre souffre au moins autant. Sinon plus. C’est l’histoire des jumeaux. Quand un seul survit. Quand la lutte a pris place déjà dans le ventre de la mère. Et que le nouveau-né passe toute sa vie à ressasser, à se demander … Pourquoi lui ? Pourquoi moi ? Qui a décidé ? »

Mon pouce allait et venait pendant ce temps, contre son flanc, dans un geste doux et rassérénant.

« C’est la fatalité qui veut cela. Mais les hommes qui deviennent toubibs comme moi, Lola … Ne le deviennent pas juste pour soigner des grands-mères asthmatiques ou pour écouter les mêmes histoires de famille chaque fois que leurs patients reviennent les voir. Tu sais pourquoi je suis devenu médecin, moi ? »

Ma voix manqua de se fêler mais je repris avec plus de force encore :

« Cette injustice que tu blâmes, je l’ai ressenti aussi une fois. Et cette absence d’aide, ce vide, ce silence qu’on nous proposait en retour… Je ne l’ai jamais accepté. Et tu n’as pas à l’accepter davantage. Il faut que tu prennes ta vie en main. Que tu te battes pour tenter de récupérer cette part de toi qui, j’en suis certain, n’est pas totalement perdue. Il faut simplement que tu reconstruises autre chose … Qui n’appartienne pas à Tara. Car c’est bien pour cela que vous avez été séparées. Toute votre vie, vous demeurerez liées, indubitablement. Mais que vous le vouliez ou non… »

Mon index tapota sa joue.

« Vous êtes deux. Pas une. Deux. Avec des sensibilités tout à fait différentes, complémentaires. Vous êtes deux forces. Individuelles. Mais unies … »

Je n’achevai pas, dans un sourire. Elle savait. Bien plus que moi, elle savait. A elles deux, Tara et Lola pouvaient devenir invincible.

« C’est la balance, Lola. Le bon et le mauvais. Il faut que tu transformes le mauvais à ta guise. Que tu le remodèles. Car c’est à toi. Juste à toi. »

Doucement, je me relevai, et l’invitai à se redresser avec moi, maintenant qu’elle s’était calmée. Face à elle, je soupirai profondément et remis une mèche de cheveux bouclés derrière son oreille.

« Je t’aiderai. Je vais retrouver ce foutu dossier et je t’aiderai. Tu as ma parole. »


Dernière édition par Ian McKennitt le Dim 31 Mar - 21:27, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeJeu 28 Mar - 11:16

Il avait les mots pour m’apaiser, les mots que j’écoutais avec attention. Il était le Messie, j’étais son apôtre. Peu à peu, je me calmais, retrouvant ma sérénité. Les sanglots s’espaçaient, mon cœur retrouvait un rythme plus modéré. Il voulait que je me batte, que je me défende et que j’existe surtout au-delà de ma sœur mais sans pour autant l’oublier. Nous étions complémentaires d’après lui. Je savais que c’était vrai et pourtant je n’avais jamais su prendre le dessus. Depuis toujours elle s’était montrée tellement protectrice avec moi que je n’avais jamais osé la contredire pour m’affirmer. Elle avait toujours voulu me protéger, me surprotéger comme l’aurait fait nos parents et je ne pouvais pas la blâmer pour ça. Sans elle, je ne serais surement plus en vie aujourd’hui, ou alors dans quel état.

Mes yeux s’embuèrent à nouveau, mais pas de chagrin cette fois. J’étais touchée par ses mots, ses attentions, par son envie sincère de m’aider. J’ignorais s’il y parviendrait, cela me paraissait tellement surréaliste à vrai dire, même si j’avais envie de croire en ses promesses. Je lui souriais en retour, hochant doucement la tête à chaque parole que je buvais littéralement.

C’était vrai tout ce qu’il me disait et j’avais envie d’y croire mais je me demandais si cette volonté aurait le même poids de mesure une fois que je serai sortie d’ici, me retrouvant seule face à la réalité dehors et surtout mes démons. Surtout qu’il ne savait pas tout. Pour Sarah, pour le reste. Mais il me semblait que la discussion prenait fin, d’ailleurs il se relevait, m’invitant à faire de même. Je restais plantée devant lui tandis qu’il me promettait une nouvelle fois. Pour toute réponse, je me hissais sur la pointe des pieds pour venir embrasser sa joue simplement.


- Merci… merci pour tout…

Mes paroles murmurées se perdirent dans le bruit de la porte qui s’ouvrait à présent. Je me retournais aussitôt, découvrant ma sœur et me reculais par pure réflexe comme si ma présence près du doc avait pu être condamnable.

- Enfin ! J’ai cru jamais m’en sortir !

Déjà elle nous rejoignait, reprenant toute la place, emplissant tout l’espace de son aura, de sa voix plus forte, de sa présence presque envahissante. Je réalisais que je n’aurai jamais pu me confier comme ça en sa présence. Et je remerciais silencieusement d’un regard le doc pour ça.

- Y’avait de sacrés lacunes, c’est impressionnant. Franchement votre secrétaire elle a du mal à comprendre parfois ! Enfin je veux pas la blâmer mais c’est pourtant pas sorcier. On est que deux. Heureusement d’ailleurs sinon elle s’en sortirait pas !

Papillonnant comme elle savait si bien le faire, je retrouvais là ma sœur, si pétillante, si rayonnante dans sa façon d’exister tout simplement. Posant son sac sur l’un des fauteuils, elle s’avança vers nous, m’adressant en premier un regard lourd de sous-entendus avant de porter son attention sur le doc, tout sourire, croisant les bras avant de reprendre.

- Alors doc ? Vous avez pu constater ce dont je parlais ?

Elle s’était tournée vers lui, me tournant le dos totalement. Je n’avais plus droit à la parole, j’étais l’enfant, elle était l’adulte responsable.

- J’espère que vous allez la secouer comme il faut. C’est important qu’elle repose les pieds sur terre. Je m’en remets à vous, bien sûr, vous connaissez votre métier mieux que moi. Mais je compte vraiment sur vous !

Je sentais la frustration chez elle de n’avoir pu assister à l’entretien. Et elle comptait visiblement que le doc lui fasse un compte rendu à présent. Elle le flattait pour l’inviter à lui relater les faits. Je la connaissais bien ma sœur, mieux que personne.

Derrière elle, je le fixais attentivement. J’espérai qu’il n’allait pas me trahir.

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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitimeLun 1 Avr - 4:52

Je n’avais d’autre souhait que celui de la toucher au plus profond, de réveiller quelque chose en elle qui s’était probablement terré tout au fond de son cœur. Et visiblement … Mes efforts s’avéraient finalement payants. Je la sentais gagner en aplomb, reprendre un peu confiance en elle, et cela me faisait du bien à moi aussi. Je ne pouvais pas me réjouir quand je voyais mes patients s’effondrer. Les aléas de la vie, du quotidien, les mauvaises nouvelles qui leur tombaient sur le coin de la tête comme une masse, au moment où ils s’y attendaient le moins … Ou encore des cas comme celui de la jeune droguée. Désorientés, perdus, seuls. Encore une fois, je ne suis pas psy. Mais j’ai toujours estimé que le minimum pour un médecin suivant ses patients depuis des années était de se montrer présent également à ce niveau, de se montrer à la hauteur pour atténuer la souffrance, panser les plaies. Elle le méritait. Elle méritait tellement de s’en sortir, de retrouver le sourire durablement, de s’évader de sa prison de chair. Loin de la pulsion inexpliquée qui l’avait poussée à m’embrasser avec passion précédemment, c’est un simple baiser sur ma joue qui me rasséréna et me rassura quant à son état. Ca allait mieux. Ca irait mieux. Forcément. Je l’interrompis dans ses remerciements :

« Je t’en prie, voyons … »

Ma paume se posa sur son épaule, affectueuse.

« Tu sais que tu peux venir me voir quand tu le veux. Avec ou sans ta sœur, ce sera un plai… »

Le bruit de la porte qui se rouvrit, sans frapper, me fit sursauter, et nous eûmes tous deux le même mouvement de recul face à Tara qui, selon ses habitudes, ne prenait guère de pincettes pour briser la bulle d’intimité que je m’étais efforcé de construire avec sa jumelle. Je retins une remarque, détestant que l’on s’introduise de manière aussi peu distinguée dans mon bureau. Toutefois, je sus me contenir pour arborer un visage neutre, mais aussi sympathique que les circonstances me le permettaient. Mon regard rencontra celui de Lola. Une étincelle de complicité y brillait, et il n’était bel et bien destiné qu’à elle. Retrouvant mon sérieux professionnel, je fis face à la plaignante :

« Hum, oui nous avons eu un gros bug informatique, le service chargé de remettre tout ça en ordre a mis un bon moment avant de s’en sortir … »

Je préférais rejeter la faute et détourner le sujet sur l’équipe multimédia en effet plutôt que sur une secrétaire qui, s’il lui arrivait de faire quelques bourdes sans trop grande importance, demeurait tout de même à l’écoute de mes patients, toujours chaleureuse, prévenante et par-dessus tout : discrète. C’était tout ce que je lui demandais, et elle remplissait sa mission de manière satisfaisante. Ni plus ni moins. Le comportement de Tara était particulièrement … sinon choquant du moins, blessant à constater pour Lola. Je connaissais sa manière de se mettre en avant et de prendre les choses en main. Mais il n’empêchait guère que je continuais de trouver cela … totalement déplacé et inconvenant. Sans la braquer, il m’apparaissait toutefois urgent de remettre les choses au point, et c’est pourquoi avant toute chose, je désignai les fauteuils.

« J’ai constaté ce que je devais constater, oui. Je pense tout de même que nous allons continuer la conversation assis, si vous le voulez bien. »

Reprenant ma place, je secouai la souris de l’ordinateur pour rompre l’écran de veille et en revenir au fichier de Lola. Je tapai sur le clavier deux ou trois indications premières avant qu’elles ne me sortent de l’esprit, le temps que les filles s’installent. Puis, je me tournai vers elles de plus belle.

« Bien. Je crois que je vais redonner un traitement léger à Lola. Ne t’en fais pas, il ne t’empêchera pas de travailler puisqu’il n’y a pas d’effets secondaires incluant de la somnolence, d’accord ? Ce n’est pas le but. Le but, c’est que tu parviennes à gérer ton corps de mieux en mieux pour sortir de la boucle. Sortir de la boucle, Lola. On en a déjà parlé ensemble. Tu vas revenir me voir dans deux semaines, et surtout tu vas essayer de manger un peu plus. »

Hors de question de raconter en long en large et en travers les confidences de la petite ni même de quelle manière je l’avais ausculté. Je griffonnai rapidement sur une feuille spécifique l’ordonnance composée de deux ou trois médicaments.

« Ca va calmer un peu ta tension, aussi. Tu me prends ça deux fois par jour, quand tu te lèves et avant de te coucher aussi. Le pharmacien t’expliquera en cas de besoin. Si ça ne marche pas, je changerai ton traitement. »

Je ne tendis pas l’ordonnance à Tara mais directement à Lola, d’une main ferme qui ne souffrirait pas la contradiction. Me rejetant sur mon dossier, je soupirai.

« Vous avez bien fait de venir me voir. Lola… J’aimerais que tu prennes ces médicaments sérieusement. C’est important, hum ? »

Terminé. Tara ne saurait rien de plus. C’est d’ailleurs en réfrénant un sourire mutin que je m’adressai à la jeune femme :

« Tara… Puis-je faire quelque chose, de ton côté ? »
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MessageSujet: Re: Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian]   Dis moi à quoi tu penses et je te dirai si je vais bien. [pv Ian] I_icon_minitime

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